Publié le 14 septembre 2025

Rapa Nui, Tahiti… et le jour perdu

Croisière 2025

15 février – Hanga Roa, Île de Pâques

La journée avait bien commencé, même si, comme souvent, tout ne se déroulait pas comme prévu. Rapa Nui, ou plus communément appelée l’Île de Pâques, fait partie de ces lieux qui marquent une vie. Hors de question de passer à côté, malgré les conditions météo capricieuses.
Le débarquement en chaloupe fut délicat : vent, pluie, et mer agitée rendaient l’opération complexe. Les excursions furent toutes retardées pour des raisons de sécurité.
À 13h, le soleil fit une apparition radieuse, et nous pûmes poser pied à terre.
Certes, l’excursion était coûteuse, mais je n’aurais jamais renoncé à vivre ce moment unique.
Fascinée depuis longtemps par les mystères archéologiques, notamment ceux de l’Égypte, j’étais prête à plonger dans l’univers énigmatique des Moai.
Dès mes premiers pas sur l’île, un étrange sentiment m’envahit. Une force tranquille, presque mystique. Les falaises, les roches volcaniques, la végétation austère… L’île semblait vivante, sacrée, intacte.
Puis, enfin… les Moai apparurent, imposants, solennels.
Leur regard figé, plein de sagesse et de mystère, me bouleversa.
Mes pensées s’embrouillaient : fatigue, émotions, ou l’énergie mystique du lieu ?
Peu importe. Je me laissais envahir par ce silence habité, comme si l’île chuchotait ses secrets à travers ses statues.
Nous avons continué d’un site à l’autre : pétroglyphes, légendes, récits des anciens…
Les Moai n’étaient pas de simples sculptures : ils représentaient la protection, la mémoire, l’héritage des ancêtres.
Cette civilisation coupée du monde avait su créer quelque chose de puissant, d’éternel.
En quittant l’île, je savais que je n’en aurais jamais tout compris… mais j’en repartais avec un immense respect. Rapa Nui resterait à jamais gravée en moi, comme un lieu de silence, de mystère et de profonde beauté.

16–20 février – En mer, vers Pitcairn

Premier jour de navigation vers l’île de Pitcairn, que nous devions atteindre le 18 février.
Vous vous souvenez ? C’est là que Christian Fletcher et les mutins du Bounty s’étaient réfugiés…
Je comptais en apprendre davantage lors de la conférence donnée en fin de matinée — en compagnie de Brahim, mon nouvel ami, croisé à plusieurs reprises au restaurant le Verdi. Ce fut ma deuxième conférence à bord, et je la trouvai passionnante. J’avais désormais hâte de découvrir cette île mythique.
L’après-midi fut plus calme : bronzage, lecture, sport, massage (mon mollet me faisait souffrir depuis quelques jours). Puis, vint l’heure du dîner.

🍽️ Ma nouvelle table — Table 695 – Quattro Venti

Je découvrais ma nouvelle table attitrée, la n° 695, comme indiqué sur ma carte.
Sur les conseils reçus, je me présentai à Anna, la responsable, pour qu’elle m’y accompagne.
Mais personne… Je commençais à m’inquiéter.
Finalement, les autres convives arrivèrent — mais leurs regards me firent vite comprendre qu’ils ne m’attendaient pas. Je pris mon courage à deux mains :
« Bonjour, je suis Annick. Je suis seule. On m’a placée ici… cela vous dérange-t-il ? »
Un profond silence. Puis, il y eu en guise d’accueil, le sourire d’une très belle femme blonde aux yeux bleus étincelants
Quelques minutes plus tard, assise à mes côtés, j’apprenais qu’elle se nommait Lyrie, écrivaine de science-fiction, retraitée d’un grand groupe du CAC 40.
Le contact fut établi à laquelle, nous ne nous attendions pas toutes les deux.
Peu à peu, les autres convives se présentèrent : Josette, retraitée discrète ; Carmen, passionnée de bridge et très sympathique ; et deux couples.
Enfin ! J’avais trouvé ma table idéale, du moins je l’espérais fortement.
Après réflexion, je pense que mon arrivée sans présentation officielle n’a pas aidé.
Il aurait été préférable qu’Anna me présente à la table comme prévu.
Mais bon…
En cette belle matinée ensoleillée… j’ai un peu la tête dans le c…En effet, depuis trois jours, nous reculons l’heure chaque nuit, et cela m’a un peu déréglée : le matin c’est désormais à 6h30 et non 8h30, que je me pointe au buffet du 13e (mon refuge matinal).


🌞 Une rencontre inattendue sur le pont
Allongée près de la piscine, j’observais de jeunes passagers s’amuser, un verre à la main.
Leur insouciance, leurs rires me rappelaient ma propre jeunesse.
L’un d’eux s’approcha de moi :
« Moi c’est Harold, Canadien, installé entre Montréal et le Costa Rica, et vous ? ». 
« Moi, Annick, française, célibataire et fière de l’être »
Me complimentant sur mon élégance, il m’invita à boire un verre en s’asseyant sur mon transat. « Je peux vous poser une question ? »
« Oui bien sur »
« Comment une femme comme vous peut-elle être seule et être aussi sérieuse. Eh oui… on ne vous voit jamais en boite au 14ème ? »
« C’est mon choix, et puis l’âge »
« Il n’y a pas d’âge pour faire la fête, Annick ! Vous êtes belle, pétillante…Faites-moi plaisir, venez danser avec nous ce soir ! »

L’île Pitcairn — les mutins du Bounty

Au loin, l’île de Pitcairn apparaissait. Une terre verdoyante, bien différente de l’île de Robinson Crusoé. Cette dernière, plus aride et minérale, faisait contraste avec la nature luxuriante de Pitcairn.
La conférence m’avait permis de mieux comprendre l’histoire de la révolte du Bounty, et je me sentais privilégiée d’approcher ce lieu chargé d’histoire.
(PHOTO ÎLE CAPTAIN)
📖 Un détour par la bibliothèque
Avant de rentrer, je fis un détour par la bibliothèque du navire.
Un lieu feutré, aux fauteuils Chesterfield en cuir, boiseries nobles, et silence apaisant.
Je me laissai tenter par un ouvrage intrigant : Le Feu et la Fureur, sur Donald Trump — un sujet d’actualité fascinant.
Je m’installai dans un coin, effleurant les reliures dorées, respirant l’odeur du cuir patiné et du papier vieilli.
Le silence n’était troublé que par le roulis discret du navire et les pages qu’on tourne.
Un moment suspendu. Un voyage immobile dans ce cocon de calme et de connaissance.

Selfie avec le commandant de bord et ses officiers

Je quittais la bibliothèque, apaisée et de bonne humeur, espérant que cet état d’esprit se prolongerait lors de la soirée intitulée :
« Selfie avec le commandant de bord et ses sous-officiers ».
Mais avant cela, une douche s’imposait.
En croisant le directeur restauration, je lui demandai avec un sourire complice :
– Quelle sera votre tenue pour ce selfie ?
– Bleu marine, avec épaulettes dorées, me répondit-il.
Le choix de ma robe fut donc évident : blanche, boutonnée de doré, assortie à une paire d’escarpins… également dorés.
Ainsi parée, je rejoignis la foule nombreuse déjà rassemblée.
On me tendit une casquette de commandant, parfaitement assortie à ma tenue, puis je pris place devant le commandant et ses officiers, tous souriants et élégants.
C’était un moment exceptionnel. Les photos immortalisèrent non seulement la scène, mais aussi la joie profonde que je ressentais depuis mon départ de Marseille.
Chaque soir, dès 17h30, je prenais plaisir à me préparer pour le dîner au restaurant Le Verdi.
Si le choix de la tenue me demandait un peu de temps, c’était surtout la perspective de retrouver Lyrie qui m’animait.
Lyrie… Cette autrice à l’enthousiasme communicatif, croisée à la table 695.
Dix ans de plus que moi, et pourtant si actuelle, si vivante.
Elle incarnait pour moi la féminité affirmée, la sincérité sans détour, et une sagesse nourrie de lectures, de vie et d’intelligence du cœur.
« La fiction est la seule façon de comprendre vraiment l’autre », me disait-elle.
« La littérature nourrit l’âme. »
Je l’écoutais, fascinée, et rêvais de pouvoir prolonger ces moments même après notre retour sur la terre ferme.
Alors, quand elle me proposa de l’accompagner le lendemain à Tahiti pour une virée shopping, je n’hésitai pas une seconde.

21–22 février – Tahiti, Papeete

À 8h00, le Magnifica accostait à Papeete, capitale de la Polynésie française.
C’était ma première fois à Tahiti… et sans exagérer : un coup de foudre.
Le sourire aux lèvres, je descendis seule du bateau, pour une excursion or MSC.
Les rues commerçantes de Papeete m’envoûtèrent immédiatement.
Cette ville n’avait rien à voir avec la Guadeloupe, la Martinique ou la Réunion.
Dès mes premiers pas, je ressentis une énergie singulière, une douceur de vivre inédite, et un charme immédiat.
En quelques heures, je savais que je reviendrais ici un jour, peut-être pour y vivre… mais dans une dizaine d’années, qui sait ?
La matinée fut consacrée au shopping avec Lyrie.
Pour le déjeuner, nous dégustâmes un tataki de thon absolument divin.
Puis, à 14h30, retour rapide au bateau pour une douche avant notre excursion MSC à 15h15.
Le soir venu, un spectacle polynésien nous attendait : danses, chants, tenues traditionnelles… Un enchantement. J’en ressortis le cœur léger, les yeux brillants.
Le lendemain, encore à Papeete, j’assistai à une conférence culturelle passionnante.
Saviez-vous que l’alphabet tahitien ne compte que 13 lettres ? Et que Bora Bora se dit en réalité Pora Pora, signifiant « premier-né » ? Une erreur de compréhension des premiers explorateurs…
Après un déjeuner au buffet (toujours excellent), je terminai l’après-midi à faire mes derniers achats, principalement des robes eh oui… avec le nombre de soirées sur le bateau, il fallait assurer
À 19h00, le Magnifica quittait Papeete en direction de Moorea.
Le soir, je choisis de dîner au buffet. J’y croisai un des directeurs de la restauration, exténué mais souriant, malgré un coup de soleil sévère.
Ces deux jours avaient été éreintants pour lui : déchargement de containers, sélection de fruits… Sous un soleil de plomb.
Un professionnalisme admirable, comme toujours.

23 février – Moorea

Le lendemain matin, à 8h00, nous arrivions à Moorea, la perle verdoyante de la Polynésie.
Le débarquement se faisait en chaloupe, priorité donnée aux passagers des excursions MSC, comme moi.
J’en étais ravie, et je comprenais parfaitement la complexité de gérer autant de passagers : plus de 500 faisaient des excursions indépendantes !
Vers 13h30, je posai enfin le pied sur cette île paradisiaque, si différente de Tahiti.
Moorea est plus calme, plus intime, et ses habitants semblaient encore plus chaleureux.
Notre guide, Maui, était le responsable de l’excursion.
Il nous mena d’abord au Belvédère, offrant une vue spectaculaire sur les baies de Cook et Opunohu, avec le Mont Rotui en majesté.
Un décor de cinéma. Littéralement. On se croyait dans Jurassic Park.
Puis, visite d’une plantation d’ananas, de bananiers, de vanille et de mangues.
La découverte s’acheva au bar « Tropical Botanique » tenu par Maui et sa sœur : dégustation de confitures maison et d’un jus d’ananas frais inoubliable.
Enfin, nous visitâmes deux sites magiques :
Te Ara Tupuna : sentier ancestral, apaisant, presque sacré
Maeva, site archéologique, où les maraes sacrés racontaient la mémoire polynésienne.
Avant de nous quitter, Maui souffla dans un put oka et prononça quelques mots en tahitien.
Un moment fort. Un remerciement. Une bénédiction peut-être.
Je regagnai le bateau, le cœur bouleversé par la grâce de cette île.

24 février – En mer

Après ces trois jours intenses, j’étais… épuisée.
Même la grande sportive que je suis avait délaissé la salle de sport
L’après-midi, pour la première fois, je fis une vraie sieste, les bras croisés sur un roman.
Je sortis uniquement pour un atelier de danse tahitienne, en prévision de la soirée Hula qui nous attendait.
Un plaisir simple. L’apprentissage d’un rythme. Un moyen de prolonger la magie polynésienne.

🌸 Soirée tahitienne à bord


Il m’était impossible de manquer cette soirée. J’avais soigneusement choisi ma tenue tahitienne à Papeete – paréo fleuri, top assorti, et surtout, la fameuse fleur de Tiare, délicatement fixée du côté droit de ma nuque, comme le veut la tradition.
C’était aussi une façon de rentabiliser l’usage enthousiaste de ma carte bleue sur Papeete, me disais-je avec humour.
Le Daily Program était clair : la tenue conseillée pour la soirée était « fleurs et paréo ».
J’étais prête.
Je pensais que Lyrie et Brahim me rejoindraient dans cette folie vestimentaire… mais non.
C’est donc seul, que je me retrouvai, habillée en vahiné, sur la piste de danse, au milieu de croisiéristes majoritairement… en tenues classiques.
Devais-je fuir ou assurer ?
J’ai choisi d’assurer.
Je me suis laissé emporter par le rythme envoûtant des tambours tahitiens, virevoltant avec le sourire, improvisant des pas, me laissant porter par la musique.
Ce moment, aussi improbable qu’exaltant, fut immortalisé par le caméraman de MSC, photo à l’appui avec le commandant de bord, et une vidéo qui fit sensation à bord.
Une soirée inoubliable, à ma manière.

25 février – Aitutaki, îles Cook

Après 582 milles nautiques parcourus, nous approchions d’Aitutaki, un joyau des îles Cook, réputé pour sa lagune turquoise et ses plages immaculées.
Sac de plage à la main, j’étais prête pour une excursion MSC. Sur le pont 6, les chanteurs et danseurs polynésiens nous accueillirent dans la joie, et très vite, un guide nous conduisit à bord d’un camion ouvert. Inédit pour moi, et franchement amusant !
Les routes goudronnées laissèrent place à des sentiers bordés de cocotiers, où des poules en liberté traversaient nonchalamment.
Et puis, la plage. Face à moi : la lagune d’Aitutaki, d’un bleu irréel, éclatant, pur.
Un tableau naturel parfait, contrastant avec l’océan plus sombre, comme une aquarelle vivante.
Je comprenais immédiatement pourquoi cet endroit est classé parmi les plus beaux du monde. Lecture, baignade, contemplation, sieste au soleil… La journée fut parfaite.

Éreintée par la chaleur et le bonheur, je regagnai ma cabine vers 20h et m’endormis aussitôt. Ce n’est que vers 21h30 que je me réveillai, juste à temps pour un peu de salade, avant de rejoindre mes amis pour la soirée Jazz. Quelle vie de folie, cette croisière !

26 février – Rarotonga

Comme annoncé par le commandant, à 8h00, l’île de Rarotonga apparaissait à l’horizon, fière, montagneuse, baignée de lumière.
Avec Lyrie, nous débarquâmes en fin de matinée.
Elle, qui vit sur une île toute l’année, me confiait que chaque île a son identité, son âme.
Notre excursion en bus nous permit de faire le tour de Rarotonga. Si les plages et marchés étaient charmants, deux sites m’ont bouleversée :
L’Ara Metua, route ancestrale du XIe siècle, bordée de marae comme Arai Te Tonga.
J’appris que ces lieux avaient été théâtre de sacrifices humains.
Un frisson.
Le passé de cette île, lourd et mystique, résonnait encore aujourd’hui.
Puis Black Rock Beach, une plage sacrée, où, selon les légendes, les âmes s’élèveraient vers l’au-delà.
Le sable, éclatant, contrastait avec les roches volcaniques noires.
J’y pensai à mes proches disparus, dans un recueillement inattendu.
Ce lieu resterait à jamais gravé dans mon cœur.

27 février – 2 mars – Traversée du Pacifique & changement de date

Le Magnifica entrait dans une zone plus instable du Pacifique Sud. La température chuta, et bientôt, une alerte au cyclone Alfred de catégorie 4 fut annoncée.
Positionné au nord-est de l’Australie, sa trajectoire menaçait la Nouvelle-Zélande.
Sur ordre du commandant, le bateau accéléra, modifiant notre programme pour arriver à Auckland le 3 mars au lieu du 4.
Une décision logique et prudente, mais certains passagers protestèrent…
J’étais effarée : la sécurité devait primer, non ? Ce monde m’échappait parfois.
De mon côté, je participai à une conférence de Massimo sur la Nouvelle-Zélande, puis au sport, sans oublier mon blog…
En fin de journée, un programme glissé sous ma porte annonçait une beach party sur le pont 13, DJ, piscine chauffée, crêpes au Nutella.
 Je ne nageai pas, mais j’admirai les plongeons tout en dégustant une crêpe nature.
Rires, éclaboussures, musique… Une soirée joyeuse, malgré l’angoisse climatique.

🕳️ La nuit où le samedi 1er mars a disparu

Ce 28 février, je ne suis pas en mesure de l’oublier.
Ce soir-là, nous allions franchir la ligne de changement de date.
Adieu samedi 1er mars… nous passerions directement au dimanche 2 mars.
Fascinant, non ?
Une journée qui n’existerait jamais pour nous. Un saut temporel réel.
J’avais besoin d’en faire quelque chose de symbolique.
Au dîner, j’en parlais à Lyrie, qui me proposa, en riant : « On va te créer un personnage avec ChatGPT pour passer cette porte temporelle ! »


📸 Création du personnage

Pendant des heures, nous avons inventé un avatar de l’au-delà, entre rires et créativité : Une femme longiligne, blonde, aux jambes infinies – une héroïne née d’un clin d’œil de l’intelligence artificielle, pour traverser la ligne de changement de date sans perdre une miette de poésie.
Une création partagée avec Lyrie, que je garderai comme l’un des instants les plus décalés et symboliques de cette croisière., mi-réelle, mi-magique.
Un projet fou, pour marquer un instant unique.
Je me suis réveillée ce matin avec une sensation étrange…Nous étions le 2 mars, et dimanche… déjà !
Le 1er mars n’avait jamais existé à bord.
Ce jour suspendu dans le vide n’était qu’un souvenir invisible, mais ce que j’en avais fait, avec mes amis, avec ma fantaisie, restera, lui, bien réel.

Découvrez la suite de cet ouvrage la semaine prochaine …