Publié le 24 août 2025

De Barcelone à Mindelo

Croisière 2025

7 janvier 2025 – Barcelone

8h15 : Après un petit déjeuner copieux, je rejoignais le lieu de rassemblement, avant de monter à bord du bus.
Très vite, je me retrouvais entourée d’une vingtaine de Français, d’un guide, sous le soleil éclatant de Barcelone, cette ville vibrante et colorée.

Pour quelqu’un comme moi, habituée au soleil du sud-est de la France, cela aurait pu sembler anodin…
Mais il y avait aussi cette architecture unique qui donnait à l’expérience un tout autre relief.

En arpentant les rues, j’ai découvert le Park Güell, site classé au patrimoine mondial de l’UNESCO, l’une des œuvres emblématiques de l’architecte catalan Antoni Gaudí.

Puis vint la visite de la Casa Milà, surnommée La Pedrera, dernier chantier de Gaudí, entamé en 1906 et achevé en 1912.
Sa façade en pierre et ses balcons sculptés aux formes arrondies m’ont fascinée.

Mais ce n’était qu’un début.
J’ai ensuite découvert la Casa Batlló, une maison étonnante, aux balcons en forme de vasques et à la façade ondoyante, vibrante de couleurs.

Quelques croisiéristes et moi avons ensuite partagé un moment convivial autour de tapas au célèbre marché de la Boqueria.
Au-delà de la qualité des mets, j’ai adoré l’ambiance animée, les couleurs, les parfums…
Un véritable festival de saveurs et de sensations.

Le dernier arrêt avant de regagner le bateau fut la visite de la Sagrada Familia, un véritable joyau architectural.
Cette œuvre fascinante, ornée de sculptures religieuses et de reptiles de pierre, m’a laissée sans voix. Son extérieur aux allures de cathédrale caverne m’a littéralement émerveillée.

À ce moment précis, un léger regret m’envahit : j’aurais tant aimé partager cet instant avec mon fils, ou un ami. Les excursions en solitaire ne m’enchantaient guère, mais… sans l’avoir formulé, mon vœu allait bientôt se réaliser.

8 janvier 2025 –En mer

J’avais passé la matinée à découvrir les différents endroits de ce magnifique paquebot de rêve. Après un déjeuner équilibré au buffet, je profitais pleinement du soleil, allongée sur un transat, un jus d’orange dans les mains lorsque, je recevais un message inattendu d’un ami journaliste :
« Annick, tu es sur le Magnifica ? C’est ce que je vois sur les réseaux sociaux. »
« Oui, j’ai embarqué à Marseille le 6 janvier. »
« Eh bien, le père d’un ami est à bord aussi. Il se prénomme Paul. Je lui donne ton 06 ? »
« Oui, bien sûr ! Ce serait génial. »

Le soir venu, n’ayant pas vraiment envie d’assister à la soirée à l’amphithéâtre je dînais seule au buffet, avant de regagner ma cabine — mon havre de paix. Je préférais, pour le moment, prendre mes marques en douceur.

À peine avais-je entrouvert la porte que je découvris, glissés sous ma porte, les documents essentiels pour bien vivre cette croisière autour du monde.
Et ainsi, chaque soir, pendant quatre mois, ce rituel se répèterait :
Un guide touristique, la liste des excursions incluses, le formulaire de réservation avec les prix détaillés…

Autant de brochures que je consultais avec enthousiasme, y consacrant souvent ma soirée.

Mais une chose était claire pour moi : je ne voulais pas choisir mes excursions au hasard.
Il n’était pas question de cocher des cases pour remplir un programme ou de dépenser sans réfléchir.
Chaque escale devait devenir un moment fort, une expérience inoubliable.
Comme l’ascension du Harbour Bridge à Sydney, que je rêvais de faire, les yeux fixés sur l’horizon, le cœur battant d’excitation.

Peu après, je reçus un second pli : le ticket pour Malaga, avec une excursion incluse au programme.
Visite de la ville… Mais j’hésitais.
Irais-je vraiment ? La nuit porterait conseil.

9 janvier 2025 – Malaga

Connaissant déjà bien la région, j’ai finalement préféré rester à bord, afin de mieux m’habituer à mon nouvel environnement.

En sortant du bureau des excursions en fin de matinée, je sentis quelqu’un me tapoter l’épaule…
C’était Paul, la personne dont m’avait parlé mon ami au téléphone. Il partait visiter Malaga.

Comment m’avait-il reconnue ? Sans doute grâce à une photo envoyée par mon ami parisien.
Dès notre première conversation, Paul me sembla très sympathique : semi-retraité, épicurien, passionné de sport. Je sentais que nous étions sur la même longueur d’onde — du moins, je l’espérais.

Cette rencontre tombait à pic : elle me permettrait peut-être de ne plus partir seule en excursion, ni de dîner en solo au restaurant Quattro Venti, où j’avais pourtant une table attitrée.
Paul m’invita à sa table pour le soir même, et j’acceptai avec plaisir.

Je passai la fin de matinée à profiter des nombreuses activités à bord : un peu d’aérobic, puis mon tout premier cours de bachata. Les animateurs étaient adorables, pleins d’énergie communicative, et donnaient vraiment envie de participer.

Après un déjeuner léger au buffet — crudités et fruits frais — je montai au pont supérieur.
Drap de bain en main, je m’installai sur un transat et passai l’après-midi à bronzer tranquillement.
Vers 16h30, je pris la direction de la salle de sport, située à l’avant du navire, un endroit que j’avais l’intention de fréquenter régulièrement durant ces quatre mois.

À peine arrivée dans ma cabine pour me changer, une nouvelle invitation glissa sous ma porte :
Cocktail des Solo Travelers à 18h30 au point 14. Une belle occasion de rencontrer d’autres passagers solo venus de tous horizons.

Paul, qui venait de revenir de son excursion à Malaga, me proposa de l’y accompagner.
L’initiative était charmante, mais fut peu concluante.

Une coupe de champagne était offerte, mais l’ambiance manquait de chaleur.
Les participants semblaient sur la réserve, sans vraiment oser échanger, difficile de créer du lien…alors d’un commun accord, discrètement, nous nous sommes échappés pour rejoindre notre cabine afin de rafraîchir et nous changer.

D’autant plus que Paul avait prévu que je le retrouve vers 20 heures au Gocce Bar, au 5ᵉ étage — un lieu qui allait rapidement devenir mon repaire durant ces quatre mois.

Nous poursuivîmes la soirée au restaurant Quattro Venti, où je fis la connaissance de plusieurs autres croisiéristes : Marcello, un Italien globe-trotter, Maureen, une Monégasque passionnée de voile, et deux Réunionnaises particulièrement sympathiques.

Je passai une excellente soirée, pleine de rires et d’anecdotes. Et je me pris à espérer que ce type de moment se répèterait souvent durant la croisière.

Après le dîner, nous nous retrouvâmes tous à l’amphithéâtre pour assister au spectacle de la troupe à bord « Musica in Maschera » : Carmen.
L’ambiance était joyeuse, chaleureuse, et je me réjouissais déjà de retrouver ce petit groupe le lendemain pour l’excursion à Casablanca.

10 janvier 2025 – Casablanca

À 8h15, je retrouvai Paul pour monter à bord du bus direction Casablanca, grande ville vibrante, idéale pour s’imprégner de la culture marocaine.

Dès les premiers instants, bien que nous ne nous connaissions que depuis peu, Paul se montra attentif, attentionné, allant même jusqu’à m’apporter une bouteille d’eau sans que je le demande.  Le tutoiement s’était naturellement installé entre nous. Après tout, nous allions partager cette aventure pendant plusieurs mois…

Notre visite débuta par le Boulevard de la Résistance, pour rejoindre ensuite le quartier historique des Habous ou une certaine émotion me saisit : un endroit dont j’avais entendu souvent parlé par mon père puisque c’était précisément à cet endroit qu’il avait effectué son service militaire…

À peine entrée, j’eus l’impression de plonger dans un univers où tradition et modernité se mêlaient harmonieusement.
Ce quartier respirait l’authenticité. Chaque coin de rue révélait une merveille insoupçonnée.
J’étais littéralement éblouie. La visite s’acheva par une promenade le long du front de mer, à la découverte des quartiers branchés de la Corniche et d’Arfa.

Avant de rentrer à bord, notre guide avait tenu à clôturer notre visite par le joyau de la ville : la Mosquée Hassan II, surnommée la mosquée du peuple. Elle incarnait la fierté de tous les Marocains — et particulièrement des Casaouis. Elle s’élevait majestueusement, une partie reposant littéralement sur la mer, comme posée sur un trône. D’une splendeur saisissante, avec ses murs et plafonds richement décorés, elle reflétait le savoir-faire de l’artisanat marocain dans toute sa grandeur.

Le soir, je retrouvai mes habitudes avec un apéritif tranquille au 5ᵉ étage, puis un dîner au restaurant Quattro Venti. Ensuite, je préférais rejoindre ma cabine, plutôt que d’assister à la soirée. La fatigue sans doute….

11 au 13 janvier 2025 – En mer

Depuis ma rencontre avec Paul, nous prenions souvent le petit déjeuner et le déjeuner ensemble au restaurant « Eldera » du 5ᵉ étage.

Le menu y était complet, très appétissant… mais au bout de quelques jours, je trouvai le service trop lent, ce qui m’empêchait de profiter du soleil, dont j’avais tant besoin.
Je le lui fis remarquer, sachant qu’il était un véritable épicurien. Pour lui, il était impensable de manger au buffet, qu’il surnommait « la cantine »… ou plutôt la cantina quand il croisait le directeur de la restauration du buffet.

Bien que le client soit « roi », j’avais trouvé ce ton un peu désobligeant vis-à-vis de cet homme, qui déployait visiblement tout son cœur pour faire fonctionner ce service avec soin et rigueur.

Pour ma part, je profitais pleinement de chaque journée à bord, toujours active, toujours curieuse, savourant chaque instant comme un cadeau. Être ici, c’était vivre une autre vie, une parenthèse riche de tout ce que je ne voulais pas manquer.

Je participais régulièrement aux activités proposées par l’équipe sportive de MSC, tandis que Paul préférait rester dans sa cabine, occupé à travailler, loin du tumulte des ponts extérieurs.

Chaque soir, nous avions notre petit rituel : à 19h, je le retrouvais pour un apéritif — un jus de tomate pour moi, un (ou deux) pastis pour lui.
Nous étions rapidement devenus complices, à l’aise, bien que nous ne nous connaissions que depuis quelques jours.

Parfois, nous partagions des fragments de nos vies passées.
J’aimais dîner à ses côtés, même si Marcello commençait à se faire discret.
Quant à Maureen, la Monégasque, elle avait disparu.
Selon Paul, elle ne m’appréciait guère… Était-ce vrai ? Je ne le saurai probablement jamais.

Quoi qu’il en soit, à chaque dîner, les autres convives étaient souriants, les échanges riches, pleins d’anecdotes de voyage.  Parfois drôles, parfois touchants.

Nous étions tous là pour vivre quelque chose d’unique.
Cette croisière autour du monde sur le Magnifica, nous l’avions choisie pour découvrir de nouveaux horizons.
Et, quelque part, pour rêver un peu plus grand.


14 janvier 2025 – Mindelo, Cap-Vert

À 9h15, toujours accompagnée de Paul, je débarquais à Mindelo, charmante ville portuaire nichée au nord de l’île de São Vicente, dans l’archipel du Cap-Vert.

Dès les premières rues, je fus saisie par une atmosphère paisible et chaleureuse.
Les maisons colorées, les ruelles bordées de fleurs… Un cadre tout simplement enchanteur.
Je déambulais au rythme de la morna, ce chant emblématique du pays, irrésistiblement entraînée par l’envie de danser dans la rue.

Nous avons visité le marché, une véritable ruche animée où les femmes vendaient leurs poissons frais dans un brouhaha joyeux.

En poursuivant notre promenade, je suis tombée sur une fresque murale saisissante, représentant Cesária Évora, l’icône de la musique capverdienne, née ici même.

Alors que Paul marchait loin devant, je demandai à une croisiériste de me prendre en photo.
À peine étais je entrain de prendre la pause qu’il revint précipitamment vers moi pour que l’on la fasse ensemble.

N’en n’ayant que pour quelques minutes, je lui demandais de patienter, prenant cela comme un refus, il m’ignora totalement durant le reste de l’excursion.

Même quand le guide nous invita à le rejoindre pour déguster quelques tapas accompagnés d’une bière locale, la Strela, au Métalo, un bar vivant, rempli de chansons capverdiennes et de danses traditionnelles.  Paul resta introuvable.

Je me dis : « Ça lui passera… »
Et j’ai décidé de ne pas me laisser perturber et profiter de l’ambiance de ce lieu magique.

Alors que je m’apprêtais à quitter les lieux, un danseur m’a tendu la main.
Il m’invitait à danser le funaná, un rythme capverdien endiablé.
Je n’ai pas pu refuser.  Paul n’était plus là. Il n’avait pas attendu.